Dessin de l'affiche par Albertine
Médiéviste spécialiste de la symbolique des couleurs, Michel Pastoureau s’est interrogé : pourquoi rouge ?
« On pourrait commencer par avancer quelques explications relevant d’une symbolique très ordinaire : le rouge évoque le danger qui menace la petite fille, le sang qui va couler, la cruauté sanguinaire du loup, la dévoration de la grand-mère.
« On pourrait commencer par avancer quelques explications relevant d’une symbolique très ordinaire : le rouge évoque le danger qui menace la petite fille, le sang qui va couler, la cruauté sanguinaire du loup, la dévoration de la grand-mère.
Les explications de type historique sont mieux fondées mais elles nous laissent plus ou moins sur notre faim. Vêtir les enfants de rouge est assurément une pratique qui remonte fort haut, surtout en milieu paysan dans les campagnes européennes. En outre, peut-être la fillette a-t-elle revêtu ce jour-là, pour se rendre chez sa grand-mère, son plus beau vêtement c’est à dire, comme toujours au Moyen Âge pour le sexe féminin, un vêtement rouge ?
Ou bien est-elle née le jour de la Pentecôte (c’est en effet ce que nous dit la plus ancienne version écrite du conte) et se trouve-t-elle de ce fait vouée au rouge, couleur de l’Esprit Saint ? Cette dernière hypothèse est sans doute historiquement la bonne mais elle ne nous satisfait pas complètement.
Reste une explication d’ordre sémiologique, tirée de la structure même du conte et de la distribution ternaire des couleurs : la petite fille vêtue de rouge porte un pot de beurre blanc à une grand-mère habillée de noir (le remplacement dans le lit de la grand-mère par le loup ne changeant rien à l’emploi de cette couleur : le loup est noir lui aussi). Nous retrouvons là les trois couleurs symboliques "de base" des sociétés anciennes, celles autour desquelles notamment s’articulent tous les contes et toutes les fables.
Dans celle du Corbeau et du renard, par exemple, un corbeau noir sur un arbre perché laisse tomber un fromage blanc dont s’empare un renard rouge. Et dans l’histoire de Blanche-Neige, une sorcière vêtue de noir offre une pomme rouge (empoisonnée) à une jeune fille au teint "blanc comme neige". Dans les trois cas, la distribution des couleurs varie mais leur dynamique s’articule autour des trois mêmes pôles symboliques : blanc, rouge, noir. »